Dans quelques jours, nous serons appelés aux urnes pour dessiner la société des cinq prochaines années. Pour nous, professionnels et bénévoles intervenant auprès des personnes contraintes de survivre à la rue, pour nous, témoins quotidiens de la détresse d’hommes, de femmes et d’enfants privés de la sécurité minimale, ce vote sera décisif.
Les personnes que nous rencontrons sont aujourd’hui condamnées à vivre à la rue car il leur est expliqué qu’il y a plus vulnérable qu’eux. Chaque jour est pour elles un combat pour moins que le minimum : s’alimenter, se doucher, ne pas se faire agresser ou voler, se domicilier, accéder à des ressources, à l’école…
Nous pouvons en attester : celles et ceux que nous accompagnons ressemblent à l’ensemble de la société. Tout un chacun peut rencontrer un accident dans sa vie, un drame, synonyme de difficulté ou, pire, de rupture. Fidèles à nos valeurs humanistes d’égalité, de fraternité et de solidarité, nous allons et continuerons d’aller à la rencontre de toutes les personnes vivant à la rue pour qu’elles accèdent à leurs droits, quel que soit leur profil, leur parcours.
Imaginer que cet accès, pour les uns, dépendrait de la relégation des autres (en particulier les non nationaux) constitue sans conteste une impasse. Les pays qui ont commencé à le faire, comme la Hongrie ou l’Italie, n’ont en rien résolu la question de leur insécurité, de leurs déficits sociaux. L’impuissance de ces mesures s’est immanquablement traduite par l’affaiblissement des libertés fondamentales de l’ensemble des concitoyens. Les boucs émissaires d’un jour (les étrangers) sont rejoints par d’autres le lendemain (les « assistés »).
Convaincus de cette impasse, nous sommes aussi lucides face à la colère et au désenchantement que traverse le pays. Pour nous cette colère est légitime et nous la partageons, témoins d’une souffrance, au quotidien, qui n’a que trop duré. Cette élection, inattendue dans sa temporalité, est ainsi une occasion historique d’apaisement. Car les solutions existent.
Pour nous, experts des questions de sans-abrisme et de grande exclusion, cet apaisement n’a qu’une voie possible : l’engagement des candidats en faveur d’un respect effectif et universel des droits fondamentaux (droit à l’hébergement, au logement, à la santé, à l’éducation, aux droits sociaux). La Fédération défend ainsi un choix de société qui fonde son unité sur un accès universel aux droits.
Il est nécessaire de sortir de l’idéologie, des idées reçues, de l’intention et du court-termisme pour construire une politique se fixant des objectifs précis et mesurables, en pleine conscience des enjeux géopolitiques, écologiques et sociaux du moment.
Révulsés par le fait de savoir qu’on puisse encore mourir dans les rues de France en 2024, nous, bénévoles, professionnels des Samu Sociaux de France, avec les personnes que nous rencontrons chaque jour, appelons les candidats à l’élection législative à s’engager en faveur d’un choix de société de cohésion, de justice sociale et de responsabilité. Cette élection est une occasion sans précédant de résilience en refondant la République sur le respect de l’universalité et de l’effectivité des droits fondamentaux.
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